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Très tributaires d’une démarche concertée entre les directions de prévention, les services médico-sociaux et une volonté politique forte, les dispositifs engagés peinent parfois à se pérenniser. |
Les contraintes budgétaires des collectivités ont nettement renforcé l’obligation d’un lien entre le dialogue social et la prévention de la santé au travail. De fait, les collectivités doivent aujourd’hui s’efforcer de mieux maîtriser leur masse salariale et leur coût de fonctionnement, notamment en limitant l’absentéisme.
Une avancée sur le front des RPS
Pour y arriver, elles s’obligent à prendre en compte suffisamment tôt les pathologies dont peuvent souffrir les agents et qui sont de toute sorte : la souffrance au travail, à savoir la souffrance physique et morale en cas de difficulté physique non prise en compte, par exemple dans certaines missions difficiles ; certaines maladies dont le « burn-out » à savoir la dépression liée à la sensation de ne plus pouvoir faire face dans un contexte de stress permanent à un travail jugé excessif, etc. Cette avancée sur la problématique des risques professionnels (RPS) et du bien-être au travail passe donc par une mobilisation des acteurs et des organisations syndicales pour améliorer la situation concrète des agents.
Daniel Cresson, directeur de l‘innovation sociale et de la prévention de la MNFCT : « Les guerres de position n’ont plus lieu d’être »
« Le dernier terrain où le dialogue social peut amener des choses, c’est sur la santé au travail. Pour cela les syndicats et tout le personnel doivent acquérir une culture de la communication plutôt que de la confrontation. À l’heure où les nouveaux découpages des collectivités font tout voler en éclat, les guerres n’ont plus lieu d’être. Sur le dossier santé au travail, DGS, managers, RH sont prêts à faire des efforts. Notre mutuelle est très sollicitée par les collectivités, notamment les plus petites. Nous accompagnons les directions des ressources humaines, les directions prévention, les services médico-sociaux. Nous les mettons en relation avec les organismes ressources, nous les aidons à monter les dossiers auprès de leurs interlocuteurs. »
Le nécessaire portage politique
Or, la prise en compte de la santé au travail ne peut progresser que dans le cadre d’une démarche concertée entre les acteurs, donc d’un véritable dialogue. Si les exemples de réussite ne manquent pas, certaines actions sont parfois mises à mal par deux facteurs : un support politique interrompu ou un nouvel organigramme qui vient stopper le projet.
Le premier cas est observable dans une commune de la métropole lilloise comptant 400 agents. Engagée depuis 2013 dans une démarche globale d’évaluation et de prévention des risques psychosociaux (RPS), l’action de la collectivité avait mobilisé la DRH, le CHSCT, la médecine du travail, les représentants syndicaux.
Plus soutenue par la nouvelle majorité politique, la politique de dialogue social est désormais en sommeil. « Un magnifique outil dans une armoire » peut-on entendre en interne !
Un groupe de pilotage représentatif des différents niveaux hiérarchiques s’était ainsi constitué pour mener une réflexion collective. Il fallait harmoniser la compréhension des RPS et identifier les axes de progrès possibles. Une psychologue du travail a ensuite conduit une série d’entretiens individuels avec une quarantaine d’agents volontaires. Résultat : une évaluation fine des risques par directions est venue enrichir la réflexion collective. L’étude finale a pointé des axes d’amélioration et servi de support à un plan d’actions spécifique.
Il ne restait plus qu’à mettre en place un comité de pilotage pour mener à bien ces actions… Mais les élections municipales de mars 2014 ont tout remis en cause. Plus soutenu par la nouvelle majorité politique, le projet est désormais en sommeil. « Un magnifique outil dans une armoire » peut-on entendre en interne ! Une situation décourageante d’autant plus que la démarche avait déjà commencé à porter ses fruits. L’organisation du dialogue avait, en effet, vu revenir des agents, auparavant en situation d’arrêt maladie…
Ça ne tient parfois qu’à un fil
Le deuxième cas concerne une collectivité de l’ouest de la France. Depuis 2011, cette communauté d’agglomération portait à bras-le-corps une démarche de bien-être au travail soutenue par la création d’un pôle regroupant deux directions complémentaires : la prévention des risques professionnels et le service médico-social. Ce pôle dédié avait pour vocation de cibler des actions sur mesure, au plus près de la réalité de terrain. De leur côté les activités de médecine du travail et d’accompagnement social ont été réunies sur un seul site pour faciliter la prise en charge.
À faire
Mobiliser tous les acteurs : DRH, CHSCT, médecine du travail, syndicats.
À éviter
Penser que le dialogue social tient tout seul, sans portage politique.
Seulement voilà ! Les directions des services portant ce dispositif sont aujourd’hui mises à mal par une réorganisation interne en cours depuis quelques mois. L’absence de consultation, la fusion de certains services ignorent le dialogue social et malmènent les agents. Résultat ? Les chiffres de l’absentéisme explosent et le beau projet de bien-être au travail est bloqué.
Ces deux exemples illustrent parfaitement combien le dialogue social dépend du contexte et des volontés. « Trop souvent, les bonnes initiatives dans les collectivités reposent sur quelques personnes engagées. Lorsqu’un départ ou un changement politique surviennent, la démarche s’avère menacée » commente Éric Marazanoff, président de la MNFCT.
Jean-Paul Guillot, président de l’association Réalités du dialogue social : « Dans la FPT, les choses avancent plus lentement »
« La santé est un bon angle d’approche, car c’est un sujet concret qui, bien pris en charge, ne se contente pas d’identifier les symptômes mais de remonter aux causes. Depuis cinq ans, notre association s’est penchée sur la question de la formation des futurs ingénieurs et chefs d’entreprise, mais aussi des cadres de la fonction publique, au dialogue social. Nous avons fait avancer les choses dans l’hospitalière par des actions prioritaires décidées entre les syndicats et les encadrants. C’est la deuxième année de poursuite de ce groupe de réflexion. Dans la fonction publique territoriale, les choses avancent plus lentement. La relation triangulaire entre syndicat, élus, et encadrants ne facilite pas la prise de décision. »